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Malgré la réussite: avoir le courage de dire stop

Quels sont les ingrédients d’une carrière réussie? Sont-ils plus difficiles à réunir pour les femmes? Concilier famille et travail, est-ce vraiment mission impossible? Karin Lang a fait une carrière sans faute: à 42 ans, elle est aujourd’hui la seule femme à siéger à la direction de Publicis. Elle nous livre sa vision de la réussite, et nous explique la décision courageuse qu’elle vient de prendre.

24. juin 2016

«Karin Lang, récemment nommée Managing Director, vient d’atteindre le sommet d’une carrière jusqu’ici remarquable.» Cette citation est tirée d’un communiqué de presse de Publicis. Que vous inspire-t-elle?

(Rires.) Le sommet est-il déjà derrière moi? C’est bien la question que je me pose... Mais il est sûr que quand on devient directrice de la plus grande agence de publicité de Suisse, on a déjà fait du chemin. J’en suis fière, je peux le dire. 

Que représente pour vous la réussite?

C’est quelque chose d’important pour la motivation, et cela peut prendre de multiples formes. Pour moi, la réussite, c’est par exemple gagner un nouveau client, c’est une campagne qui dépasse ses objectifs, des clients satisfaits, et surtout une équipe satisfaite. Plus généralement: c’est obtenir une reconnaissance pour son travail.

Vous avez planifié votre carrière?

Non, pas volontairement. En fait, ce sont toujours les autres qui sont venus me chercher, et chaque fois, je me suis dit: «S’ils trouvent que j’en suis capable, c’est qu’il y a une raison», et j’ai foncé dans l’aventure.

De vous-même, vous n’auriez pas postulé pour ces fonctions?

Non, je n’aurais pas osé.

Pourquoi pas?

(Rires.) C’est probablement ce qui différencie un homme d’une femme. Les femmes ont tendance à minimiser leurs capacités. Et puis j’ai une famille. Et souvent, une femme qui a une famille ne peut pas fournir le même effort qu’un homme qui a une famille. À la fin de la journée, l’homme est plus libre de ses mouvements.

Vous êtes la seule femme à faire partie de la direction de Publicis. À ce niveau-là aussi, vous sentez une différence?

Les femmes fonctionnent différemment, c’est clair. Du point de vue de la communication comme des émotions. Il arrive avec certains sujets qu’on ne récolte aucune compréhension de la part des collègues masculins. Pour eux, il y a d’autres thèmes plus importants, et les bonnes solutions ne sont pas celles-là.

Vous avez le sentiment qu’il vous a été plus difficile de faire carrière parce que vous étiez une femme?

Oui, je le crois. Un exemple: les interlocuteurs, côté clients, sont en général des hommes. Entre hommes, on peut se taper sur l’épaule et aller boire une bière. Ce n’est pas forcément la forme de réseautage préférée des femmes. Surtout quand on est mère et qu’on doit quand même être à la maison de temps en temps – et qu’en plus, on en a envie. Côté compétences, on attend beaucoup plus d’une femme, ça ne fait aucun doute.

La réussite implique-t-elle aussi une part de renoncement?

Oui. Non seulement on doit personnellement renoncer à beaucoup de choses, mais l’entourage aussi doit faire des concessions, ou se retrouve un peu délaissé. Il est donc très important, quand on est mère, d’avoir un entourage sur lequel on peut s’appuyer.

Vous parlez d’expérience, puisque vous avez une fille et que vous travaillez à 80%. Vous avez eu du mal à imposer ce temps partiel à votre employeur?

Le plus difficile, c’est de m’obliger à le respecter. J’ai souvent mauvaise conscience de ne pas être physiquement présente. Si je prends en compte les soirées, les week-ends et la disponibilité permanente, je suis largement au-dessus de 100%. Mais je trouve que je dois bien ça à mon équipe. Le problème, c’est qu’on a l’impression de n’être ni vraiment à la maison ni vraiment au bureau. C’est un tiraillement permanent.

Comment arrivez-vous à le gérer?

Tant que tout se passe bien au travail et dans ma vie privée, pas de souci. Si ce n’est pas le cas, ça devient difficile. Je considère que je suis arrivée au bout d’un chemin. J’ai décidé de ne plus être un hamster dans sa roue. Mais après 23 années passées dans la publicité, la question qui se pose est celle de savoir comment continuer. La solution est-elle uniquement de faire le même travail à un autre endroit? Qu’est-ce qu’il y a d’autre? – voilà la question qui me préoccupe. Mais je n’ai pas encore trouvé la réponse.

C’est une décision courageuse. Comment votre entourage a-t-il réagi?

Dans mon entourage professionnel, la plupart des gens ne s’y attendaient pas. Côté privé, la réaction a plutôt été: «Ah, pas trop tôt!» Beaucoup m’ont félicitée, et trouvent ça bien que je me réoriente. Un nouveau défi!

Portrait:

Karin Lang (42 ans) est Managing Director depuis 2012 chez Publicis, la plus grande agence de publicité suisse. Elle a commencé sa carrière comme typographe avant d’entrer dès la fin de sa formation dans la publicité. Elle est ensuite passée par différentes agences et a franchi toutes les étapes de la carrière classique de publicitaire. Après avoir longtemps été membre de la direction du groupe Wirz, elle est revenue en 2009 chez Publicis. Dès l’été 2016, elle quittera l’entreprise pour se réorienter.

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